Hommage à Paul DUCHEIN

"Paul Duchein l'ami, l'artiste, le collectionneur, le mécène, grande personnalité du monde de l'art.

Pour introduire cette exposition au caractère exceptionnel, j'ai choisi les mots d'une autre grande personnalité: Laurent Danchin dont le décès en 2017 avait beaucoup affecté Paul Duchein.

L'œil aux aguets"

Par son éclectisme inspiré, nourri d'une vie entière de prospections en dehors des sentiers battus, Paul Duchein restera une référence dans le monde contemporain des amateurs d'art[…]. Aiguisé à la lecture d'André Breton, mais formé aussi par l'amour de la peinture, classique et moderne, et la fréquentation assidue des brocantes, son œil de découvreur instinctif, raffiné et savant, et de collectionneur-né s'est exercé le plus souvent sur le parcours qui va du surréalisme à l'art brut, aller et retour.
Mais il sait aussi voir la beauté primitive d'un anonyme du 16ème siècle ou d'un épis de faîtage jouir des mérites d'un Magritte ou d'un Poliakoff, ou sentir les analogies entre une tête sculptée gothique ou romane et une idole d'Afrique ou d'Océanie.
Chez lui, pas de frontières dans l'amour de l'art véritable, ni dans la recherche passionnée du beau et du vrai.
[…] Une dernière facette, essentielle, de cet hyper-actif aux dons multiples le Paul Duchein, créateur des boites, c'est-a-dire l'auteur de ces mises en scène surréalistes d'un grand raffinement […] auxquels il doit sa renommée en tant qu'artiste.

Commencés sur les plages de la Méditerranée, à la fin des années soixante, les assemblages de Paul Duchein, faits de bois flottés et d'épaves glanés ici ou là dans la «laisse de mer», étaient à l'origine proches d'un certain art 'singulier', revu et corrigé sans doute par le souvenir de Gaston Chaissac. Bien vite ils ont changé de nature, et revenant a l'imaginaire de la vieille culture des maisons bourgeoises, ont surtout magnifié des objets d'apparence précieuse pour devenir ces « petits théâtres portatifs» ou « reliquaires à malices » (François Mathey), qui sont en fait, à mi chemin de la 3D, une extension du collage, mêlant objets rares, trouvailles insolites et images découpées. Pleins d'allusions littéraires ou artistiques et de références cultivées, partant souvent d'un mot ou ayant pour déclic un titre ou une lecture, ces exercices d'improvisation, où un objet spontanément en appelle un autre, seraient évidemment impossibles si le Duchein chineur n'avait amassé au préalable un trésor immense de matériaux.
C'est à la musique, avec ses thèmes et variations, ou à une certaine forme de création littéraire que fait d'abord penser la pratique quotidienne de ce jeu formel, ce mariage des éléments – la femme, l'oiseau, la rose -, éternellement recommencé, dont les rébus visuels utilisent les objets comme un poète le fait des mots. D'où un développement par séries, à la manière de Jean Dubuffet : Rituels de mémoire (1972 – 1990), Rencontres opportunes et figures bavardes (1972- 1990), Les Chambres Mémorables (1990 – 1994), Monstrances et Reliquaires (1994 – 1996), Closeries vénitiennes (1998 – 2000), Les Petits Ciels portables (1996 – 1998), Suite mexicaine (2001 – 2002), Le Jardin d'Eden (2002 – 2006), etc. Tout un jeu, au sein d'un répertoire manifestement inépuisable, où l'on sent tout le plaisir de l'auteur, et qui n'a pas de prétention autre que d'éveiller agréablement le regard du spectateur, et de lui faire prendre conscience de la grandeur, de l'élégance et de la beauté attachées même aux plus petites choses.

Laurent Danchin (1946-2017)
Écrivain – Critique d’art

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